Informations diverses

Qui êtes-vous Thierry Lepaon?

thierry-lepaon-1.jpg

--- Extrait article N.V.O du 3489 /  Ecrit par : Pascal Santoni - Photos : Tiphaine Lanvin / Publié le 12 avril 2013 ---

 

thierry-lepaon.jpgEn consultant sa biographie et en discutant avec lui, on découvre que, sous l’apparence placide et réservée de Thierry Lepaon, le nouveau secrétaire général de la CGT, se cache un esprit frondeur, que son parcours militant illustre d’ailleurs avec constance. Et ce, dès son entrée précoce dans le monde de l’entreprise.


Syndiqué à 17 ans, licencié à 18

 

Pourquoi adhère-t-on à la CGT à l’âge de 17 ans? À cette question, Thierry Lepaon répond: l’injustice. Embauché comme soudeur chez Caterpillar, près de Caen où il est né, son salaire est amputé de 20 % au prétexte qu’il n’a pas 18 ans, et l’entreprise connaît de nombreux problèmes. Grâce aux contacts noués avec l’union locale CGT, il adhère à la CGT, il crée, avec deux autres ouvriers, comme lui récemment embauchés, un syndicat dans l’entreprise qui n’en avait aucun et constitue une liste pour les élections du personnel. Il est licencié avant même d’y participer. «Vexé mais pas mécontent de quitter une entreprise qui traite aussi mal les jeunes», se rappelle-t-il.

 


De la TPE à la multinationale

 

Il retrouve un emploi de terrassier chez Spie Batignolles, où il fait des trous avec pelle et pioche avant de passer une certification de soudeur. Constatant l’absence de syndicat chez les ouvriers, il participe à la formation d’une liste CGT qui obtient 60 % des voix au premier tour. Là encore il va subir les foudres du patron. Appelé à effectuer son service militaire, il est réformé au bout de 27 jours et revient vers l’entreprise qui se doit de le reprendre. Mais entre-temps, surprise, son poste a été supprimé… Nous sommes en 1981, sous Giscard et à la veille de l’accession de la gauche au pouvoir. Il engage un recours devant les prud’hommes qui ordonne sa réintégration, décision qui ne sera jamais appliquée, ce qu’il ne manquera pas, plus tard, de reprocher au ministre du Travail Jean Auroux lors d’un débat. Pas rancunier, Thierry, mais de la mémoire.

 


De la Normandie à la Bretagne

 

Visiblement repéré par le patronat local, il est contraint de «s’exiler» et connaît les incertitudes de l’intérim avec Manpower, dans une petite entreprise sous-traitante de la navale en Bretagne, puis dans la multinationale Moulinex, fabricant n° 1 du petit électroménager en France, à Cormelles-le-Royal dans le Calvados. Employé comme intérimaire pendant deux ans, il obtient enfin un CDI à l’atelier de métallerie. Pas de CGT à Cormelles-le-Royal, Thierry va donc s’employer à créer une section CGT avec un collègue et participer aux élections du personnel. Convaincu que pour peser sur la direction, il faut être présent partout, il participe à une campagne d’implantation de la CGT dans les différentes sociétés du groupe. Et ça marche! En dix ans la CGT devient majoritaire dans l’ensemble des entreprises du groupe.

La ténacité est un des traits de caractère marquants de la personnalité de Thierry Lepaon. «Lucide sur ce qui est possible dans l’immédiat et ce qui ne l’est pas, il va jusqu’au bout de la démarche», dit Maryse Dumas qui le connaît bien.

Et c’est ce qu’il fait dans le conflit de Moulinex, où il anime l’action. Il le fera jusqu’à la fermeture, le 11 septembre 2001, et la signature d’un protocole de fin de conflit. Des anciens de Moulinex de Cormelles-le-Royal lui reprocheront de ne pas les avoir accompagnés après la fermeture, dans l’association qu’ils ont créée en 2003 pour aider les ex-employés dans leurs démarches de réinsertion professionnelle. Thierry souhaitait tourner la page, et on peut le comprendre, d’autant que la direction de l’union départementale CGT du Calvados avait décidé de lui confier le secrétariat général de l’UD.

 

De l’entreprise au territoire et à l’institution

 

( ci-dessous en compagnie de Bernard Thibault )

 

 

Autre caractéristique du parcours militant de Thierry Lepaon : la diversité de son expérience de dirigeant. Entré à Moulinex en 1983, il est élu à la commission exécutive de la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie en 1986, secrétaire de l’union locale CGT de Caen en 1990, délégué syndical central chez Moulinex lorsque le conflit éclate en 2001 et secrétaire général de l’UD du Calvados la même année. Au 48e congrès de la CGT, en 2006, il est élu à la commission exécutive confédérale, qui lui confie la lourde tâche d’animer la commission des repères revendicatifs. Et 2006, c’est aussi l’année où il prend la direction du comité régional de la Normandie et représente la CGT au sein du Conseil d’orientation pour l’emploi, institué auprès du Premier ministre.

Pour assumer simultanément ces responsabilités, il faut savoir écouter, organiser et déléguer. «Partout où il a exercé des responsabilités, et généralement de premier dirigeant, il a su favoriser le travail collectif», note Maryse Dumas. C’est également ce que confirme Françoise Geng, présidente de la section travail et emploi du Conseil économique, social et environnemental (CESE), et membre du groupe CGT que préside Thierry Lepaon depuis 2010. «Une découverte plaisante, dit-elle. Il a su parfaitement animer le groupe, sachant trouver des solutions par le haut, dépassant les clivages […], convaincant sans se départir d’une écoute attentive, avec une approche humaine des problèmes et un profond respect des militants…»

 

L’illettrisme et le travail

 

Il a travaillé deux ans sur le sujet et produit un rapport pour le Ceser de Basse-Normandie et un pour le Conseil d’orientation de l’emploi. Il peut en parler pendant des heures. Lui qui ne cache pas les difficultés rencontrées dans son parcours scolaire a su surmonter ses appréhensions. Il s’est attaché à révéler un handicap souvent ignoré dans le monde du travail et à faire des propositions pour y remédier. «Il faut se dire les choses pour retrouver le goût de l’efficacité», affirme-t-il, et il ajoute: «Quand on ne dit pas les choses, on les fait mal, quand on ne les écrit pas ou qu’on ne sait pas les écrire, on les pense mal.»

 

Une CGT utile, accessible, efficace et solidaire

 

Ces exigences que le 50e congrès a assignées à la CGT, Thierry Lepaon les a faites siennes pleinement. Il porte un regard lucide sur la confédération qu’il va diriger désormais. «Il y a une vraie richesse dans la confédération, des compétences que beaucoup nous envieraient, mais elles sont sous-estimées car chacun travaille dans son coin et notre efficacité s’en trouve limitée». Des changements en perspective pour rendre la CGT plus accueillante aux salariés et plus solidaire de leurs préoccupations et de leurs difficultés.

Car pour Thierry Lepaon la question centrale, «c’est l’irruption des salariés sur le terrain social, personne ne résoudra les problèmes à leur place. Nous, nous pouvons les aider par nos analyses, nos repères revendicatifs, nos propositions, notre expérience, mais rien ne remplacera leur intervention, leur engagement dans l’action et dans le syndicat».

historique-des-secretaires-generaux-cgt.jpg


Créer un site internet avec e-monsite - Signaler un contenu illicite sur ce site